Éditeur : Pocket
Date de sortie : 7 avril 2022
Genre : fantastique

Synopsis

« Mon grand-père était un loup-garou. »

Les loups-garous existent-ils ? En tout cas, son grand-père en connaît, des anecdotes et des histoires fantastiques sur eux. Mais lui, l’enfant de dix ans, ne parvient pas encore à savoir s’il s’agit de légendes familiales issues des divagations de son Grandpa ou la réalité. Pourtant, la nature sauvage de son oncle Darren, la protection animale de sa tante Libby et les événements étranges qui les ont jetés sur la route semblent hurler le contraire.

À mesure que les années passent, le jeune narrateur anonyme sent que derrière les contes se cache la vérité de sa condition. Alors, pourquoi lui ne se transforme-t-il pas ? Et comment trouver sa place dans cette société américaine qui rejette à la marge les pauvres, les anormaux… les galeux ?

Critique

Une histoire de loups-garous pas comme les autres

Je pense avoir dit la même chose de Meute, écrit par Karine Rennberg. Pourtant, on ne pourrait pas trouver plus différent que Galeux ! Certes, ces deux romans mettent en scène les célèbres créatures à quatre pattes dans un roman tranche de vie, toutefois…

Eh bien, Galeux, c’est le côté peu reluisant de la vie de loup-garou. Pas le côté bestial, capable de dévorer tout ce qui bouge, plutôt celui qui essaie de survivre dans un monde d’hommes. Et donc par définition, un monde hostile.

Il y a tant à dire sur ce livre ! Mais avant, je tiens à remercier la maison d’édition pour l’envoi. Ce ne fut pas toujours une lecture facile – je vous expliquerai pourquoi -, mais elle me restera longtemps en mémoire !

Comme un recueil de nouvelles… ou presque !

La forme importe autant que le fond dans Galeux. Chaque chapitre relate une partie de la vie du héros, pas toujours dans le bon ordre, du moins c’est l’impression que j’ai eue. Heureusement, l’auteur commence par le début : la mort du grand-père. Par la suite, c’est au lecteur de faire les liens, et c’est quelque chose que j’aime en règle générale.

Autre particularité : le héros n’a pas de nom. Un chapitre sur deux, on partage ses pensées, on le comprend de l’intérieur. Dans le reste de l’histoire, il est désigné par sa « fonction », comme le criminel ou le journaliste. J’ai moins adhéré à ces passages, car ils restent davantage en surface. On perd cette proximité avec le narrateur qui nous permet de l’apprécier vraiment. Mais, après tout, ils ne durent jamais très longtemps.

En définitive, ce fut une lecture en dents de scie à cause de cette alternance, justement. Certains chapitres m’ont totalement emportée, je tournais les pages avec frénésie, tant j’étais curieuse de connaître la suite. D’autres m’ont laissée de marbre. D’autres encore m’ont… écœurée.

Ce ressenti est personnel, mais je n’ai pas aimé le peu de considération des héros pour les autres animaux. Puisqu’ils sont au sommet de la chaîne alimentaire, ils se croient tout permis, même lorsqu’ils sont humains. Et Stephen Graham Jones n’hésite pas à insister sur ce trait de caractère, ce qui m’a agacée.

L’envers de l’Amérique

Non seulement, l’auteur se concentre sur des aspects peu connus (ou même jamais imaginés) de la vie de loup-garou, mais il les intègre également dans l’Amérique profonde que nos héros sillonnent de long en large.

Le contexte est difficile : le héros est souvent déscolarisé et voit son oncle et sa tante se démener pour essayer de joindre les deux bouts. Néanmoins, Stephen Graham Jones n’en fait pas un problème à proprement parler. C’est un fait, ils sont miséreux. Néanmoins, ils ne manquent pas de ressources pour trouver des solutions et n’hésitent pas à voler (ou chasser) si la nourriture vient à manquer.

En vérité, le plus important, c’est de rester dans l’ombre…

La meute avant tout

Comme vous pouvez l’imaginer à la lecture du synopsis, le nombre de personnages est relativement restreint. La meute ne peut compter que sur la meute. Elle est une priorité ; elle passe avant les sorties, les amis et les amours. Les quelques personnes qui gravitent autour d’elle sont forcément des initiés. Sinon, ça tourne mal !

Alors, c’est sûr, les relations qu’entretiennent les héros sont imparfaites, parfois même instables. Mais elles sonnent vrai. Il y a autant d’engueulades que de franches rigolades, de déceptions que de joies ! Et lorsque le danger survient, ils font front commun quoi qu’il arrive !

Si cette vision de la meute n’est pas originale, j’ai particulièrement apprécié voir l’auteur aller dans le concret. Les loups-garous vivent cachés dans notre société, ils doivent donc apprendre à s’adapter, à franchir les plus petits obstacles du quotidien. Comme les poubelles, par exemple. Et oui, apparemment, quand un loup-garou se transforme, il a faim au point de ne plus se rappeler que l’humain en lui ne jette pas que de la nourriture, mais aussi du verre, des emballages en plastique, du carton, etc.

Bref, il ne faut jamais oublier de vider la poubelle !

Mais le héros va-t-il se transformer ?

Voilà l’une des questions qui m’a trotté en tête tout au long du récit. Comme un fil rouge que Stephen Graham Jones prend un malin plaisir à suivre, titillant notre curiosité. Tantôt on y croit, tantôt on se dit qu’il a finalement échappé à cette malédiction.

Le dénouement répond à cette interrogation, et ça c’est quelque chose que j’ai beaucoup aimé !