Éditeur : Mnémos (collection Naos)
Date de sortie : 20 octobre 2016
Genre : mondes parallèles (young adult)

Synopsis

« Tu dis que l’ivresse du parcours, c’est justement d’oublier qu’on est en train de mourir. Comment ? (…) Est-ce qu’il y aura encore un matin après ça ? Ce soir je fais l’impasse de ta peau sur la mienne (et je peine). » 

Éda et Théo avaient tout pour être heureux. Des gamins comme les autres, qui jouaient à se faire peur en se racontant des histoires au pied du grand châtaignier. Un jour pourtant, Éda disparaît sans laisser de traces. Et tout le monde oublia l’arbre, Éda et ses rêves étranges. Tous, sauf Théo… Commence alors pour lui l’expérience du doute, l’adolescence puis l’âge adulte.

Mais de l’autre côté des mondes, prisonnière de la cellule 222 du Centre de tests génétiques de l’Empire, Éda vit encore et lutte, chaque matin, pour un fol espoir : retrouver Théo et lui confier sa dernière histoire, celle de sa survie…

Salomé Vienne nous entraîne aux confins des mondes, là où l’impossible et le merveilleux se rencontrent pour forger un récit hypnotique.

Critique

Quand Salomé Vienne repousse les limites de l’imaginaire

Le matin en avait décidé autrement est un one-shot unique en son genre. Honnêtement, je n’ai jamais lu quelque chose de semblable, et c’est justement ce qui m’a plu. En fait, l’auteure s’est complètement affranchie des codes de la SFFF pour raconter une histoire qui possède sa propre identité.

D’ailleurs, je ne sais par où commencer cette chronique, tant j’ai de choses à dire. Mais l’essentiel, c’est bien ceci : cette lecture a frôlé le coup de cœur !

L’histoire de Théo et Éda

Le matin en avait décidé autrement, c’est la rencontre de deux enfants un peu fous qui ont appris à s’apprivoiser. Bien sûr, le temps a fini par les rattraper, ils ont grandi… l’un sans l’autre. En effet, Éda a disparu, mais Théo n’en garde aucun souvenir. Alors, comment expliquer ce manque qu’il ressent au fond de lui-même ? Oh, j’ai tellement adoré le suivre dans ses questionnements, et plus encore lorsqu’enfin, il se souvient d’elle. Éda, de son côté, vit son propre combat et n’a qu’un seul but : retrouver Théo.

Malgré les univers qui les séparent, leurs coeurs ne se sont jamais oubliés. Et c’est beau ! Ces deux personnages sont réunis dans l’amour qu’ils ressentent l’un pour l’autre, à mille lieues des romances niaises que l’on retrouve souvent en young adult – d’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi ce one-shot a été classé en YA.

Bref, leur relation est terriblement touchante, bien que faite d’épreuves et de douleurs. Et oui, Éda et Théo ne viennent pas du même monde… Alors, comment se sont-ils rencontrés ? Eh bien, je vous laisse le découvrir !

Une plume comme on en voit rarement

Je débutais à peine le récit que, déjà, j’étais emportée par la plume de Salomé Vienne. J’ai relevé tellement de passages que j’aurais voulu vous montrer, mais je me suis vite aperçue qu’à cette allure, j’allais rapidement retranscrire la moitié du livre.

Je me suis donc limitée aux morceaux suivants :

« La vie de Théodore était comme ces mezzanines, serrées entre deux niveaux : comme si l’ascenseur qui menait à l’âge adulte était resté bloqué entre deux étages. Et Théo demeurait coincé à l’intérieur. Il ne pouvait même pas regagner le couloir de l’enfance, les portes refusaient de s’ouvrir. Alors il imaginait ce qu’il y avait derrière. Il se rappelait des souvenirs et en créait de nouveaux. »

« Les étoiles pouvaient bien continuer à faire semblant d’être si loin, ça n’avait pas d’importance pour ceux qui savaient rêver. »

« Bien sûr que si, il faisait des efforts pour sa mère, personne ne le voyait, personne ne voudrait même l’admettre. La preuve : il mettait encore un pied devant l’autre chaque matin alors qu’il aurait simplement voulu fermer les yeux. Fermer les yeux. Il avait les maux de son âge, les révoltes de son époque, les envies futiles d’aujourd’hui pour vaincre hier sans penser à demain. »

Pour moi, les mots de Salomé Vienne sont des sentiments bruts. Certaines phrases sont trop longues, d’autres trop courtes ou tout simplement étranges, mais les émotions nous parviennent directement.

Sa plume a eu un effet immédiat sur moi ; j’ai aussitôt oublié le monde réel, pour mieux plonger dans le sien. Ou les siens plutôt, car son imagination semble infinie et ses univers multiples.

Un joyeux bazar ?

Sachez une chose avant de commencer ce one-shot : la temporalité n’est pas linéaire. Les événements ne sont donc pas racontés dans le bon ordre. En outre, l’auteure est capable de passer de l’un à l’autre sans transition et d’offrir la parole à des personnages dont on ne sait encore rien, et surtout pas les liens qui les unissent à Théo et Éda.

Enfin, pour ajouter à la confusion du lecteur, des bouts d’histoire se cachent entre les chapitres ; certains sont des contes fantastiques, tandis que d’autres tendent davantage vers la dystopie. Cependant, tous sont passionnants !

Cela vous paraît étrange ? Pourtant, un schéma se dessine progressivement entre les lignes. Personnellement, j’ai pris plaisir à agencer les pièces du puzzle, à obtenir des réponses à mes questions et à découvrir les mondes qui existent à la lisière du nôtre.

Un final qui s’enfonce dans l’obscurité

Ce qui avait presque débuté en douceur a lentement gagné en noirceur. Malgré la poésie qui se dégage de ce récit, tout n’est pas beau dans les univers que Salomé Vienne a construits. Progressivement, elle nous montre une nouvelle facette de son imaginaire, plus sombre, mais cela ne fait qu’ajouter à la palette d’émotions qu’elle nous transmet.

Vous avez l’impression que j’en fais trop ? C’est parce que vous n’avez pas encore lu Le matin en avait décidé autrement !