Éditeur : L’Homme sans nom
Date de sortie : 6 octobre 2022
Genres : anticipation, techno-thriller

Synopsis

Dis-moi qui tu hais.
Je te dirai qui tu es.

Marre du patron, mais tu es un peu lâche ? Tu ne supportes plus ton mari ou ton voisin ? Il y a un moyen pour libérer ta colère sans finir derrière des barreaux. Télécharge la top app de la décennie ! Un milliard d’utilisateurs dans le monde… Tout ce que tu as à faire, c’est inscrire les huit noms des personnes que tu détestes le plus. C’est gratuit, sans âge limite, et surtout sans morale.

The 8list, c’est l’idée folle de Thomas, un développeur qui crée un géant mondial des réseaux sociaux. Suivez le parcours d’un ambitieux capable du pire pour réussir.

Critique

Un techno-thriller d’anticipation

Pas vraiment mon genre de prédilection, vous en conviendrez. J’ai néanmoins choisi de tenter l’aventure et je ne regrette absolument pas. En un peu plus de 200 pages seulement, l’auteur dresse le portrait d’un homme qui fera de sa haine, et de celle des autres, un business particulièrement lucratif. Ses limites ? C’est simple, il n’en a pas !

The 8list, c’est donc une vérité dérangeante, celle des plus bas instincts de l’humanité. C’est aussi une critique avisée de la société à l’heure des réseaux sociaux. En bref, un roman aussi addictif que déstabilisant. J’ai adoré !

On a tous un penchant pour la haine, pas vrai ?

Difficile de l’admettre, et pourtant ! La haine est ancrée en l’homme depuis la nuit des temps. Qu’elle soit justifiée ou non, elle est bien là, et il suffit généralement d’un petit coup de pouce pour la faire ressurgir. Tel est l’objectif de la 8list, la liste des 8 personnes que vous détestez le plus au monde. Attention, une fois validée, elle n’est plus modifiable, du moins pas tant que l’une de ces personnes n’aura pas passé l’arme à gauche…

Imaginez toutes les conséquences, et les dérives bien sûr, d’une telle application. Complexe, non ? Eh bien, Pierre Léauté l’a fait ! De la naissance du concept à l’explosion de son succès, il décrit chaque étape du processus, qu’elle soit bonne ou mauvaise (comme celle où l’on prétend qu’une telle application sert d’exutoire et permet ainsi d’éviter la violence dans le monde réel). C’est cynique, c’est intéressant et, surtout, c’est réaliste !

Une immersion totale

Pour garantir la crédibilité de son récit, l’auteur s’est attaché à intégrer son application de la haine dans l’histoire des réseaux sociaux, et même plus encore. De Chris Brown à Donald Trump, il fait de multiples références à des personnalités publiques et n’oublie pas de citer – de lier même – les grands événements politiques, économiques et sociaux d’Amérique.

Et les détails ne s’arrêtent pas là, puisqu’il met également en avant les diverses compétences nécessaires à la création et au développement d’une application à la mesure de Facebook (UX/UI design, développement web, gestion des données personnelles, vente d’espaces publicitaires, etc.). On a même droit à des captures d’écran de l’interface !

Cette quantité d’informations a bien entendu un revers ; elle est parfois difficile à encaisser, d’autant que le livre est relativement court. Suivre le héros dans l’enchaînement de l’action et l’auteur dans les bonds dans le passé, ce n’est pas toujours aisé. C’est donc un roman qui mérite, selon moi, plusieurs lectures afin d’en saisir tous les tenants et les aboutissants. Pour autant, cela n’a pas gâché mon plaisir !

Un anti-héros détestable… ou presque !

Un roman qui se contente de faire l’apologie de la haine n’a que peu d’intérêt, à mes yeux. D’ailleurs, les antagonistes caricaturaux seulement motivés par une soif de sang inextinguible me tapent rapidement sur les nerfs. Heureusement, The 8list, c’est beaucoup plus que ça, notamment grâce à son anti-héros.

Thomas est intelligent, ambitieux et n’a pas froid aux yeux. Il est prêt à écraser les autres, à se débarrasser de toute conscience pour atteindre ses objectifs. Après tout, il n’est pas responsable de la misère du monde, et tant pis s’il contribue à l’aggraver un peu plus encore. Ce qui compte, c’est lui. Car personne, ou presque, ne s’est donné la peine de s’inquiéter de son sort. 

Égoïste, prétentieux, sans scrupules : à première vue, il cumule tous les défauts. Mais, en vérité, Thomas est la somme de tout un tas d’événements pas toujours très heureux que Pierre Léauté nous dévoile au fil des pages. J’ai donc appris à le connaître, à le comprendre malgré ses agissements les plus méprisables. En fin de compte, je pense que je l’ai autant apprécié que détesté. Une véritable réussite !

Un roman atypique à tous points de vue

Je ne vous ai pas encore parlé du format ! Afin de pousser le concept jusqu’au bout, Pierre Léauté a construit son histoire sous la forme d’une 8list. Huit parties qui portent toutes un nom : celui d’une personne qu’il hait. Voilà qui confère une autre dimension au récit !

Enfin, sachez que le côté atypique est assumé jusqu’au dénouement qui, à mon sens, est à double tranchant. Soit on le trouve too much, soit on l’adore. Personnellement, je penche en faveur de la seconde option, même si, je l’admets, l’auteur n’a pas eu peur de prendre des risques !